Une autre de ces journées où ta jambe invalide refusait de coopérer, mais pas toi.
Parce que même si Kielo te suppliait à maintes reprises de te tenir tranquille et de cesser de te pousser à bout, tu étais consciente que la ferme ne pouvait pas attendre. Tu avais des petits Poussifeu qui venaient tout juste d’éclore en plein mois de février, et malgré le temps qui se réchauffait, tu te voyais mal les laisser au fond de l’étable sans supervision.

Tu n’écoutais jamais ton mari, car tu étais convaincue que si tu ne le faisais pas, personne ne le ferait pour toi. Mais à quoi bon une fermière qui ne peut même pas travailler ?
Au diable ce qu’ils pensent, au fond. Personne ne pourra jamais dire que tu n’as pas fait de ton mieux malgré tes conditions.

Quelle vue misérable alors que tu traînais ce sot rempli de moulée pour Poussifeu au bout de tes bras, venant traîner ta jambe comme si elle était attachée à un boulet avant de trébucher et de te retrouver étalée complètement au sol. Le lourd grognement de frustration que tu laissais échapper alors que tu venais te rassoir ne manquait pas d’alerter ton Tauros, qui venait vers toi d’un pas décidé.

« …ça va, Banjo… »

Est-ce que ça allait vraiment ? Tu n’arrivais même pas à bouger tes orteils, et la rage que tu ressentais n’était que monstre, tout ce que tu pouvais faire c’était de basculer ta tête vers l’arrière pour ravaler tes larmes.
Qu’est-ce que tu en voulais à la vie.
Qu’est-ce que tu donnerais pour ravoir une parcelle de ta liberté, cependant, tu avais cette vague impression qu’il s’agissait d’une punition de la vie pour ne pas avoir démontré une assez grande force.

Tu t’accrochais à la selle de Banjo pour t’aider à te remettre sur tes pieds, ce à quoi la grosse brute qui te servait de Pokémon ne manquait pas à légèrement souffler par le nez alors qu’il venait frotter son gros museau contre ta joue. Tu ne pouvais que légèrement ricaner en venant caresser la crinière qui protégeait son cou.

« Merci… Tu veux me donner un coup de main, mon grand ? »

Refuser l’aide de son mari, mais avoir assez d’orgueil pour accepter d’avoir un Pokémon qui le faisait pour toi. C’était toi tout craché, Briar. Et si le reste de ta journée se déroulait presque comme prévu, tu avais pris le temps avec les bébés Poussifeu. Après tout, tu aimais particulièrement les voir; ils étaient tous si petits et mignons, et leurs plumes duveteuses leur donnait l’air d’être plus gros qu’ils ne l’étaient réellement, et toi, ça t’amusait. Tu les sociabilisais au meilleur de tes capacités, et après avoir passé près d’une heure avec eux, tu pouvais finalement rentrer.

De la paille dans les cheveux et le cœur rempli d’amour, c’était de meilleure humeur que tu pouvais finalement retourner chez toi. Avec un peu de chance, Kielo aurait sans doute cuisiné quelque chose qui comblerait cette fringale…

Et alors que tu ramenais Banjo dans sa box et que tu allais pousser la porte pour rentrer chez toi, tu remarquais ta petite Chaglam qui fixait attentivement quelque chose au-travers de la fenêtre. Oh, bien qu’elle soit particulièrement chasseuse, il était plutôt rare qu’elle ne se poste ainsi lorsqu’il n’y avait rien…

Un orage, peut-être ?
Pas le même genre d’orage que tu t’attendais.

Parce que tu as reconnu distinctement sa voix et particulièrement ce ton plein de mépris qu’elle t’offrait. Parce que si ta grande sœur éprouvait une rancune envers toi, celle qui dormait au fond de ton âme était loin d’être une flamme éteinte.
Tu fronçais les sourcils que tu venais te retourner pour lui faire face. Elle avait changé, mais pas trop.
Elle était à l’image des Elwood que votre mère voulait tant bâtir; belle, soignée, raffinée. Ses magnifiques cheveux cacao parfaitement coiffés qui venaient cascader le long de ses épaules pâles te rendaient hors de toi. Le succès émanait de ta grande sœur, et tu étais à la fois envieuse et rancunière que Primrose ait obéi aux désirs de votre matrone. Et pire, encore.
Elle revenait te déranger en cette paisible journée, alors qu’elle t’avait punie de son silence depuis plusieurs années déjà.

« …Primrose. »

Tu venais t’appuyer contre la porte afin d’éviter de tituber, venant enfin te retourner pour lui faire face. Un sourire à la fois faux qui transparaît de ta rancune venait déformer l’expression de ton visage, et tes grands yeux saphiriques venaient transpercer son âme par la confrontation.

« Tu as du culot de venir ici. »